Le tourisme en Espagne revêt plusieurs facettes parfois hors du commun, Paula en est l’une de ses étoiles montantes. Au téléphone, on ressent une personne pleine de vie, enjouée, dans une idée de partage. Sa sympathie transpirante, sa passion, on la perçoit rapidement et elle est sans aucun doute nécessaire par rapport à la visite qu’elle organise : Une visite guidée du cimetière de l’Almudena, à Madrid.
Je suis Aleksey, chasseur immobilier pour Retraite en Espagne. Au travers de notre blog ainsi que notre groupe facebook, nous parlons de démarches administratives, impôts, comment acheter en Espagne, mais aussi de tourisme et faits culturels. Nous disposons également d’un guide gratuit très complet concernant la Retraite en Espagne, cliquez ici pour le télécharger.
Via notre blog, nous aimons offrir à nos lecteurs une autre vision du tourisme en Espagne. Nous vous parlons d’une Espagne que vous ne trouverez pas dans les sites classiques de tourisme. Entre visites touristiques pas comme les autres, recherches historiques et écriture d’un ouvrage, Paula a accordé une interview spéciale à Retraite en Espagne.
Direction le cimetière de la Almudena, l’un des plus grands et des plus beaux d’Europe. On y retrouve la tombe de personnalités nationalement et internationalement connus, comme des anonymes. Si au début, Paula s’était approché de ce cimetière, c’était par intérêt patrimoniale, touristique mais aussi, artistique. Photographe, elle trouvait que l’endroit était calme et lui laissait exprimer sa passion sans être dérangée. C’est pendant le Covid et son confinement, lors du rangement de ses photos et d’une conversation avec son amie Julia Soria, Directrice de Experimenta Madrid, que l’idée d’organiser des visites guidées du cimetière de la Almudena est née. Pour elle, c’est comme une suite logique à une première approche. Experimenta Madrid, dont parle même le célébre journal « El Mundo » permet une approche plus artistique, culturelle et authentique de la capitale espagnole. Le projet de Paula, intitulé sur Instagram Entretumbas se greffait donc avec perfection dans ce concept.
Tourisme en Espagne : Vous pouvez réserver votre visite en cliquant ici mais avant tout, parlons un peu de Paula et sa vision passionnante.
« Avant de commencer la visite, j’explique aux gens que nous allons visiter un cimetière mais d’une façon différente, nous n’allons pas uniquement voir les tombes des personnes connues, mais avoir une approche antropologique, artistique et historique du cimetière de la Almudena. J’explique qu’on a le droit de se divertir pendant la visite, raconter des anecdotes. Seulement, il ne faut pas oublier qu’il s’agit encore d’un cimetière en activité, ce qui veut dire que nous allons peut-être voir un enterrement, croiser des personnes qui pleurent. Dès lors, il faudra se montrer invisible. C’est mon obligation de leur dire. Mis à part cela, nous allons passer un bon moment, vous verrez, nous allons même faire des plaisanteries !« . Définitivement, Paula est une guide qui souhaite transmettre plus qu’une approche historique et artistique du lieux. Elle a envie que les participants puissent se sentir comme dans n’importe quel musée, se sentent libre de participer.
« Les gens viennent en famille, entre amis, en couple. Parfois, il y a des gens tout seuls, ce qui me surprenait avec Julia. Les âges sont mélangés« . Paula s’intéresse à son public, elle note que certains sont venus comme accompagnateurs. Souvent, ceux qui viennent seuls lui disent que personne n’a voulu les accompagner. « On leurs dit qu’ils sont bizarres, mal de la tête, que ce n’est pas normal, alors que ce devrait être tout le contraire. J’ai une approche historique, sociale, patrimonial, du cimetière de l’Almudena. Nous parlons d’Histoire, d’anthropologie, d’art, d’anecdote ». Si vous cherchez du frisson, du conte et légende, du sensationnalisme il est certain que vous ne l’obtiendrez pas dans cette visite.
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« Au travers des réseaux sociaux, nous avons essayé de faire un travail de sensibilisation. Ce tabou, au final, peut faire beaucoup de mal et plonger les gens dans de mauvaises interprétations de la mort, rendre aussi encore plus douloureux la perte d’un être cher. C’est pour cela que nous nous inscrivons d’ailleurs dans le mouvement Death Positive. » #Deathpositive est d’ailleurs un hashtag utilisé sur les réseaux sociaux, instagram, par des auxilliaires de vie, des infirmières, des gens de la profession médicale.
« Autrefois, l’on avait une approche différente de la mort. On gardait et on préparait le défunt à la maison, on faisait la veillée, on était plus proche de la mort. Les amis, voisins, la famille, venaient à la maison. Désormais c’est direction le thanatorium, on reçoit un whatsapp de condoléance. On a perdu le liens avec la mort, cela peu nous faire oublier l’importance de la vie. Mes visites, ni même mon propos ne sont pas « morbides » comme on pourrait le croire. Les gens qui venaient pour accompagner finissent par me dire que la visite était intéressante. Ils sont étonnés. L’Almudena est avant tout un immense parc et le plus grand cimetière d’Europe« . Paula nous narre que des gens passent devant l’Almudena en cachant leur visage. Pour elle, il y a encore un travail à faire.
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Si dans d’autres pays, comme l’Egypte, l’on n’a pas autant de scrupules et de peur à visiter des tombes, voir même des momies exposées dans les musées, l’approche en Europe et le tourisme « funéraire » ( dit « taphophilie ») n’est pas encore bien vu. « C’est perçu comme du patrimoine de seconde catégorie (…) les gens se disent qu’ils ne veulent pas voir de cimétières mais ils en visitent sans même s’en rendre compte. Par exemple, les cathédrales, les églises, sont aussi des cimetières, il y a des tombes, parfois sous les dalles. Les gens l’oublient. » Paula informe que les mentalités change et que les gens osent un peu plus se pencher sur ce type de tourisme. L’Almudena, c’est comme le père Lachaise à Paris. C’est à voir, au moins une fois dans sa vie, mais réaliser une visite documentée, c’est toujours mieux.
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La guide nous indique qu’il y a un endroit du cimetière qui provoque souvent les larmes de ses visiteurs, à cause de sa charge historique. « Ce sont les participants espagnols, face à un monument aux morts de la guerre civile, les fusillés sous ordre du dictateur Franco. Par contre, il m’est arrivé d’avoir des comportements contraires, soit des participants qui se sont fâchés devant le monument et ont quitté la visite, parce qu’ils appuyaient la dictature. C’est arrivé parfois. Je suis avocate de la mémoire historique. «
Si la mort de Franco remonte aux années 70, il est évident que certains conflits n’ont pas été réglés. Il ne faut pas oublier que la Guerre Civil et la politique ont en Espagne, sectionné des familles entières. L’on pense à la fameuse chanson de Jean Ferrat « Maria avait deux enfants (…)L’un était rouge, et l’autre blanc« . Des paroles de vérité, qui, comme le remarque Paula, font encore mal, suscite de la colère.
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Paula, on le sent lors de notre entretien téléphonique, est une personne pleine de vie, pétillante. Lors de la question ; certes, pouvant surgir particulière ; « Avez-vous une ou des tombe(s) favorite(s) ? » on l’a entendu sourire. « Lors de la visite, des gens proteste parce que nous n’allons pas voir la tombe de Lola Flores. C’est la tombe la plus connue, très facile à trouver, elle est même sur Google maps. Je suis là pour leur faire découvrir d’autres choses. Je leur dit toujours devant la même tombe, que même si Lola Flores est leur personnage favoris, cette tombe devant laquelle nous nous tenons, est celle d’une personne encore plus importante Santiago Ramón y Cajal, prix nobel de médecine.
Les autres tombes que j’affectionne, sont celles d’inconnus. Il y a une tombe d’un enfant, décédé après avoir été percuté par un camion. Cette scéne est représentée sur sa tombe, en bas relief. C’est quelque chose de tellement spécial, la représentation mal structurée a quelque chose de candide. Ce n’est pas de mauvais goût. Il n’y a pas une seule façon valide de faire son deuil. Chacun fait son deuil à la manière qui lui convient. Si pour cette maman, montrer cette scène est importante et est comme une sorte de « pancarte » de manifestation contre cet accident de trafic, une façon de faire son deuil, elle est dans son droit. Je l’explique au gens, que chacun fait son deuil. «
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Il y a une tombe que je connais depuis l’enfance, car ma grand-mère repose au cimetière de l’Almudena. Il s’agissait d’une sculpture d’une mère avec ses deux enfants à ses pieds, avec un libre ouvert où apparait un épitaphe. il y était écrit une chose horrible : « Maman, comment as tu pu mourir et laisser notre pauvre papa travailler avec deux enfants, comment as tu pu être aussi égoiste ? ». Je me souviens que cela nous avait choqué, mes parents et moi. Cette phrase nous avait fait tellement de peine pour cette dame, que chaque année nous venions, à la Toussaint, lui mettre aussi une fleur. »
Oui. Chacun gère son deuil à sa façon, on pourrait voir dans ce texte de la douleur, mais aussi de la violence, un reproche injuste contre cette pauvre mère qui n’a pas décidé de mourir. Paula ajoute » Mais des années plus tard, lors de mon travail de documentation, je suis retournée voir cette tombe et ce texte avait été changé. C’est l’une des filles de la défunte qui a fait remodeler la tombe et enlever l’épitaphe. »
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« Je m’intéresses aux inconnus, en particuliers, aux femmes, il y a un côté féministe, oui, dans ma démarche. Je resitue leur histoire, je met en avant leur histoire. » Dans le profil instagram Entretumbas de Paula, on retrouve de nombreuses archives, photographies de tombes, où apparaisse sur porcelaine, les portraits d’une jeunesse à jamais figée. Des femmes espagnoles, des jeunes filles en tenue de communiantes qui sourient aux visiteurs. Il y a quelque chose de touchant dans le propos de Paula, un véritable désir de parler certes, des plus belles tombes, mais de s’intéresser aux petites personnes qui elles aussi, on fait l’histoire.
Dans les commentaires de son instagram, les gens racontent leurs expériences, certains inventent l’histoire, la vie, du ou de la défunt(e). L’imagination est en ébullition, la curiosité aussi. Paula réussi à créer du liens, à faire parler les gens, à susciter leur intérêt. On parle de souvenirs, on parle des êtres chers que l’on a perdu, mais aussi, de traditions différentes d’un pays à l’autre.
Une vision du tourisme en Espagne qui se dévellope plus qu’on ne l’imagine.
Paula aimerait avoir du temps et développer d’autres visites dans l’Almudena, apporter une autre vision du tourisme en Espagne à encore plus de personnes. Elle a également organisé des visites en dehors des cimetières, comme celui du parc de l’Almada de Osuna dit « Le Capricho » (Madrid) construit par une duchesse franc-maçon et amie intime du peintre Goya. il s’agit d’un parc particulièrement beau, avec plusieurs éléments maçonniques, où se mélange botanique et art. Paula collabore également avec le réseaux Ibero-americano de cimetières patrimoniaux, il s’agit d’un réseaux couvrant l’Amérique latine et Espagne..
Mais au délà d’une visite touristique, on retrouve également un parti pris : celui d’encourager la protection du patrimoine funéraire, patrimoine précieux et indicateurs de notre Histoire. C’est pour cela aussi que Paula s’est lancée dans la rédaction d’un ouvrage et, si le temps lui permet, de s’ouvrir à d’autres visites de cimetières. « Je pense qu’il faut banaliser ces visites dans les cimetières, oser le faire. Cela nous permet, en quelque sorte, de se rendre compte que nous avons la chance d’être en vie et nous fait, j’en suis certaine, profiter encore plus de la vie !«
Merci Paula pour cet entretien et nous avoir permis de montrer un autre visage du Tourisme en Espagne.
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Instagram de Paula @entretumbas
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